La genèse du projet

C’est au cours de ses études, et en particulier lors de la rédaction de sa thèse sur les Agrumes dans le monde, que Paul Robert se confronte à la recherche du « mot juste ». Alors qu’il cherche les traductions fidèles des termes anglais et espagnols, courants en agronomie, Paul Robert ressent le besoin d’un nouveau dictionnaire qui, par analogie, permettrait de regrouper les mots selon les notions et les idées. Germe alors l’idée fondatrice qui va l’amener vers la lexicographie.

« L’idée de mon futur dictionnaire commençait à cheminer en moi, à mon insu. Dès ce moment, je compulsais fréquemment le vieux Littré et les six volumes du Larousse du XXe siècle, mais je n’y trouvais généralement pas ce que j’y cherchais, c’est-à-dire les associations des mots les uns avec les autres… C’est de cette époque que datent mes premiers essais de classement des mots par association d’idées, autour de quelques thèmes. »

Le projet du dictionnaire analogique de la Société du Nouveau Littré est dans la filiation directe du dictionnaire d'Emile Littré. Ce lexicographe tient la langue parlée comme une richesse et un patrimoine communs ; mais, bien conscient que « patrimoine » ne signifie pas tradition figée, Littré part également du principe que les mots ont une croissance, une vie et une mort. De cette dynamique des signes, il dresse un tableau de la vie de la langue telle qu’on l’écrit et qu’on la parle. Il s’agit de radiographier une langue vivante, et de montrer les phénomènes de son évolution (enrichissement, innovation, obsolescence). Pour cela, chaque terme est illustré par des citations provenant de la littérature française.

« Il faudrait reprendre le Littré, le poursuivre, le mettre à jour » Paul Valéry

Il s’agit pour Paul Robert de compléter l’inventaire du lexique et des variations de sens depuis la dernière édition du Littré en 1872, ainsi qu’un siècle et demi de littérature française n’ayant pas été pris en compte par le lexicographe. Les citations de Littré n'allaient en effet guère au delà de Chateaubriand, écartant des écrivains parmi les plus célèbres de notre littérature nationale : Stendhal, Balzac, ou encore Flaubert. Notons d’ailleurs l’ampleur de la tâche de Paul Robert, qui s’est souvenu de ses nombreux voyages dans les pays francophones : le travail du « Nouveau Littré » implique d’étendre la recherche lexicographique sur un espace aussi vaste que celui de la francophonie dans son ensemble.